
À quoi ressemblera la mobilité du futur et quel rôle la voiture est-elle appelée à y jouer ? Mark Pecqueur, professeur en technologie automobile et conférencier lors de l’élection de la Lease Car of the Year 2018, a partagé avec nous sa vision du futur. Une vision bien différente de l’actuelle.
Tags
Nouvelles Alphabet Produits Alphabet Alphabet: behind the scenes Témoignages des clients Tendances mobilité Consultancy Fin du contrat Fiscalité Conseils pour les conducteurs
À quoi ressemblera la mobilité du futur et quel rôle la voiture est-elle appelée à y jouer ? Mark Pecqueur, professeur en technologie automobile et conférencier lors de l’élection de la Lease Car of the Year 2018, a partagé avec nous sa vision du futur. Une vision bien différente de l’actuelle.
Y a-t-il vraiment un problème avec les moteurs diesel ?
Mark Pecqueur : « Je suis le premier à regarder les chiffres des diesels Euro 6 et à dire que ce problème appartient au passé. La génération actuelle de moteurs diesel est bonne. Ce sont les voitures diesel sans filtre à particules qui posent problème. En ce qui concerne la qualité de l’air, la priorité numéro un devrait être de retirer ces voitures sans filtre à particules de la circulation. Au moins 50.000 autos sans filtre à particules circulent en Belgique. Un véritable scandale. Elles rejettent entre 100 et 150 fois plus de particules que les voitures qui en sont équipées. Ces 50.000 voitures rejettent donc autant que 5 à 7,5 millions de voitures équipées d’un filtre. Un nombre supérieur à la quantité de voitures roulant dans notre pays ! »
Aux États-Unis, Volkswagen paye à ses clients d’énormes indemnités après le dieselgate. Mais ce n’est pas le cas en Europe. Trouvez-vous cela correct ?
« D’un point de vue strictement juridique, Volkswagen n’a commis aucune faute en Europe. Si l’on examine le dieselgate, on voit qu’il y a une grande différence entre l’Europe et les États-Unis. Aux États-Unis, Volkswagen a enfreint la loi, ce qu’elle n’a pas fait en Europe. En Europe, la loi stipule uniquement qu’il faut passer les tests sur le banc d’essai, dans des conditions contrôlées. Ce n’est pas la même chose que dans la réalité, mais cela n’était imposé qu’aux États-Unis. À l’époque, il n’y avait en Europe aucun cadre légal comme le ‘Real Driving Emissions’ que nous connaissons aujourd’hui. »
C’est la Chine qui tire les ficelles dans le domaine de la mobilité électrique.
Est-ce également le rôle des pouvoirs publics d’imposer une technologie donnée ?
« Le gouvernement ne peut pas se prononcer sur la technologie, car il n’est pas expert en la matière. Citez-moi un seul membre des différents gouvernements belges qui s’y connaisse en technologie des véhicules. Nos ministres doivent-ils s’occuper de technologie ? Bien sûr que non. Mais ils doivent fixer les normes et faire mesurer de manière effective si les voitures y satisfont. »
Quelle est selon vous la forme de propulsion la plus écologique ?
« D’un point de vue purement économique, choisissez une voiture à essence si vous parcourez peu de kilomètres et une voiture électrique si vous en parcourez beaucoup. Mais vous devez recharger au moins une fois par jour dans ce cas. Ce que personne ne fait. Vous ne pouvez récupérer le coût supplémentaire d’une voiture électrique que si vous parcourez beaucoup de kilomètres, mais il faut alors recharger plus fréquemment. C’est là que se situe le hiatus. Le prix des voitures électriques doit dès lors baisser. Pour rouler à bas prix et de façon écologique, achetez une Dacia Logan à 6.990 euros et faites-la équiper d’une installation au GPL de 1.500 euros. Vous aurez alors dépensé 8.500 euros pour une voiture fonctionnant au GPL, une des solutions les plus écologiques du moment. Cette voiture consommera, tous les 100 km, 7 litres de GPL à 40 centimes par litre. Soit 2,80 euros de carburant. Aucune voiture électrique ne fait aussi bien à l’heure actuelle, car leur prix est trop élevé. »

Le réseau d’énergie sera-t-il en mesure de faire face à l’afflux de voitures électriques ?
« Cela devrait aller. Aujourd’hui, nous parcourons 83 milliards de kilomètres chaque année en Belgique. Si tout le monde roulait à l’électricité, on pourrait recharger toutes ces voitures avec une seule centrale comme celle de Doel. Cela devrait être faisable, non ? Quant à savoir si nous avons besoin de centrales nucléaires, c’est une autre question. On peut investir dans la distribution via le réseau. Mais je pense surtout que la voiture autonome fera la différence dans ce domaine. Car vous ne devrez pas la recharger. Un fournisseur de mobilité le fera pour vous, à l’endroit et de la façon qui coûte le moins cher. »
Pourquoi ne faisons-nous pas massivement le choix de la voiture électrique ?
« Le gros problème des voitures électriques, c’est la rareté des matières premières. Nous n’en avons pas beaucoup, ce qui rend les voitures chères. Mais il ne s’agit en aucun cas d’un problème d’énergie. Chaque jour, le soleil nous offre 85.000 térawatts d’énergie. Si nous utilisions demain des moteurs thermiques utilisant du méthanol renouvelable, il n’y aurait plus d’émissions. Pour cela, il faut extraire le CO2 de l’air – cela demande beaucoup d’énergie, mais il y en a assez – le combiner avec de l’hydrogène pour obtenir du méthanol et faire tourner nos moteurs avec. La Chine possède 30 % des réserves de lithium de la planète. Cinquante autres pour cent se trouvent au Chili... et appartiennent à des Chinois. Il y a une vingtaine d’années, ils ont commencé à racheter des mines de matériaux rares, comme le lithium. Ils savaient bien que ces matières premières sont importantes, et la bonne santé de l’économie chinoise leur offrait les capitaux nécessaires. À l’époque, ce métal n’intéressait pas l’Occident prospère. Résultat ? C’est la Chine qui tire les ficelles aujourd’hui. Et c’est la Chine qui va fixer le prix des voitures électriques. »
Vous appellerez une voiture autonome depuis une appli installée sur votre téléphone.
Déjà propriétaire de Volvo, le constructeur automobile chinois Geely possède désormais également 9,69 pour cent de Daimler (Mercedes).
« On voit les Chinois se positionner. Il ne faut pas en avoir peur. Une collaboration efficace avec eux est parfaitement possible, mais il est vrai qu’ils pensent différemment de nous. »
Cela constituera-t-il un désavantage pour les constructeurs européens ?
« Les Chinois adorent les marques. Ils sont prêts à mettre le prix pour une simple Volkswagen Golf. Les marques européennes ont donc de la valeur. Il suffit de regarder ce que les Chinois dépensent pour s’offrir nos grands crus. Pour ma part, je vois un autre problème pour les marques automobiles. Si les voitures roulent de façon autonome, va-t-on continuer à acheter une marque spécifique ? Imaginons que vous partiez en vacances et réserviez un vol. Vous pouvez choisir quand vous partez, depuis quel aéroport, avec quelle compagnie aérienne, en classe affaires ou non... mais vous ne pouvez pas choisir la marque de l’avion. Vous ne le saurez qu’au moment d’embarquer. Vous n’allez tout de même pas demander quelle est la marque de l’avion ? Même certaines hôtesses de l’air ne le savent pas. Pourquoi en irait-il autrement d’une voiture ? »
Quel sera selon vous le rôle dévolu aux compagnies de leasing dans le futur ?
« Désormais, les compagnies de leasing sont très bien placées. Il leur restera peut-être à franchir l’obstacle que constitue la baisse de la valeur résiduelle des véhicules au diesel, mais après cela, elles seront gagnantes sur toute la ligne. Elles offriront la mobilité que vous leur achèterez. Les garages d’aujourd’hui se transformeront en mobility hubs. Les voitures y seront entretenues, nettoyées, ravitaillées ou rechargées. Vous appellerez une voiture autonome depuis une appli installée sur votre téléphone. Elle viendra à vous, vous monterez à bord et vous partirez. Et vous pourrez même choisir à côté de qui vous êtes assis en définissant des profils. Je veux aller à Anvers... mais pas à côté de supporters du Beerschot. La mobilité sera même souvent gratuite. Prenons l’exemple d’une entreprise qui veut faire de la publicité. Elle pourra proposer des voitures autonomes, qui seront son prochain outil marketing. Par exemple, ICI PARIS XL pourrait faire circuler des voitures spéciales avec des parfums. Les clients, connus grâce à l’analyse des données, bénéficieraient d’un trajet gratuit s’ils viennent à Anvers accompagnés de personnes ayant le même profil. Et la voiture électrique ne s’arrêterait pas devant, mais dans le magasin ICI PARIS XL, juste en face du rayon où se trouve le parfum essayé dans la voiture. »

Qui est Mark Pecqueur ?
-
Professeur et chercheur à la haute école Thomas More
-
Membre de l’European Advisory Committee de la Society of Automotive Engineers (SAE)
-
S’intéresse de près à tout ce qui concerne la mobilité et la technologie